« Femme de chambre », une profession qui nourrit dans l’imaginaire collectif bien des fantasmes. D’autant qu’une certaine affaire, qui a défrayé la chronique en mai 2011, a replacé sous les feux des projecteurs cette catégorie bien particulière d’employées. Octave Mirbeau a quant à lui, dans ce roman qui est sans doute le plus célèbre parmi son œuvre, donné la parole à Célestine R, femme de chambre assez instable qui multiplie les places. Dans son journal, Célestine, petite chambrière délurée, consciente de ses charmes et de l’usage qu’elle peut en faire, nous entraîne avec elle dans l’intimité de ces maisons bourgeoises où les convenances sont un vernis fragile qui masque mal les perversions, les bassesses morales. Comme ses consœurs, elle est soumise à la « loi du plus fort », ballotée de place en place, réduite à un « esclavagisme moderne » qui profite aussi bien aux bureaux de placement qu’aux bourgeois qui comptent avec parcimonie les gages. Des femmes de chambre « déshumanisées », exploitées, utilisées souvent comme « travailleuses sexuelles à domicile », pour combler les frustrations du mari ou faire l’éducation sexuelle des fils… Et comme si cela ne suffisait pas, elles subissent humiliations et brimades. Mais aussi, au fil des pages de ce roman, la condition des femmes dans ces entresols sociaux, leur aliénation au pouvoir à la fois des riches, mais aussi des hommes, cette misère affective, celle d’une fillette qui se donne pour une orange, ces nouveau-nés que l’on supprime comme pour une portée de chatons ou de chiots… Bref, un tableau caustique de la société qu’Octave Mirbeau nous livre ici, dans une période où l’auteur était particulièrement dégoûté des hommes.
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